La chasse aux Jujutrépides

Il faut l’avouer, 

cela faisait longtemps. 


La dernière fois, ça devait être lorsqu’ils ont joué à Peter Pan sur le toit, je pense. 

Ce weekend, nos Jujutrépides nous ont fait une nouvelle frayeur :


Nous déjeunions tranquillement dans un restaurant en bord de mer, avec leur papa, les pieds dans le sable, une frozen strawberry margarita à la main, bienvenue par cette chaleur estivale de retour en force depuis quelques jours au Cap.


Les garçons étaient bien évidemment sortis de table et avaient dégotté des p’tits sud af’ avec qui jouer sur la jetée. 

Nous les gardions à l’oeil, entre deux gorgées rose, et discutions en profitant de la brise marine et du soleil, lorsque tout à coup, presque indépendamment de ma volonté, j’ai dit : 

– “Chéri, tu veux pas regarder où sont les monstres ? Tu sais avec toutes ces histoires récentes d’enlèvement d’enfants au Cap…”


– “Ils sont là chérie.”


– “Non mais, vas voir.”


– “ILS SONT LÀ !”


– “Vas voir.”


Ne le voyant pas revenir au bout de dix minutes, je sentais que quelque chose ne tournait pas rond. 

C’est alors que je l’ai aperçu, se rapprochant, titubant, de la table où j’étais assise. Livide, les yeux écarquillés, ils me dit alors d’une voix blanche :

– “Chérie… Je… Je… Y’ sont plus là.

L’avantage, d’avoir vécu quelques situations relativement extrêmes avec ses enfants, c’est qu’au bout d’un certain nombre d’années, on sait gérer.  

Le coeur s’arrête toujours quelques instants. 

Et, naturellement, le sentiment de panique intérieure, les mains tremblantes, les fourmis dans les jambes ainsi que la nausée dans la gorge, sont toujours là.

Mais le cerveau ayant cumulé de l’expérience, disons qu’il entre dans une forme de pilotage automatique assez efficace. 

Je vous passe les détails de la chasse aux Jujutrépides lancée sur plusieurs kilomètres à la ronde ainsi que ceux de l’interrogatoire musclé auprès des moutards alentours : une longue – très longue – vingtaine de minutes plus tard, notre engeance – ou plutôt leurs oreilles, qui en gardent d’ailleurs encore les stigmates – étaient de retour entre nos doigts.

Montés manu militari dans la voiture, nous rentrions vers la maison : 

– “LES GARÇONS !! VOUS VOUS RENDEZ-COMPTE DE LA PEUR QUE VOUS NOUS AVEZ FAITE ! On vous imaginait déjà enlevés ou perdus !… COMMENT POUVEZ VOUS ENCORE NOUS FAIRE ÇA !? Avec tout ce que nous vous avons déjà expliqué !?…”

– “Pardon maman, on voulait pas t’faire peur. On voulait juste aller woir’ les OTARIES !”


– “Mais les garçons… On ne part JAMAIS sans nous prévenir. Vous imaginez ce qui aurait pu se passer !?…”


J’avais essayé de garder mon calme, malgré la terreur qui m’avait étreinte et qui redescendait doucement dans le bas de mon corps, et de leur expliquer une nouvelle fois, sereinement, la gravité de leur geste. 


N’y tenant plus, leur père qui bouillait intérieurement, s’est alors emporté en criant : 


– “J’EN AI ASSEZ. ON VA FAIRE AVEC VOUS COMME AVEC LES CHATS ET LES CHIENS. ON VA VOUS METTRE DES PUCES SOUS LA PEAU, COMME ÇA ON SERA TRANQUILLE !!!!”

Pas un bruit dans l’habitacle, les garçons s’étant soudainement renfrognés dans leur siège auto, visiblement vexés.


C’est Trystan qui a finalement rompu le silence : 

– “Alors… Alors… TU VAS NOUS EMENER CHEZ L’VÉTÉRINAIRE, c’est ça !?!?”

#RestonsZen
#Dédramatisons


La femme invisible

Apres l’homme invisible… 

La femme inaudible !


La règle on la connait. 

Elle est valable aussi bien quand tu diriges un service de cinquante personnes, que quand tu es parent : si tu veux te faire entendre, il faut parler peu, doucement – pour forcer les gens à t’écouter – dire les choses une seule fois et s’efforcer d’émettre uniquement des messages clairs et impactants. 

Ça, c’est la théorie. 

Mais tous ceux qui ont mis au monde une progéniture savent qu’elle entre en totale collision avec une réalité scientifique majeure : l’éducation.
Celle-ci se résumant essentiellement à montrer l’exemple et à répéter les mêmes choses des milliards de fois, comme je le soulignais dans mon billet d’hier

Avec le temps, l’impact de nos paroles décroit auprès de nos lardons, à tel point que le parent en vient parfois à s’interroger sur sa propre substance, voire même son entité. Comme si, projeté dans un monde parallèle, il vivait et côtoyait physiquement ses rejetons, mais n’était ni vu ni entendu. 


Heureusement, l’existence des Pokemon nous rassure régulièrement, nos enfants semblant nous identifier subitement dans l’espace-temps lorsqu’il s’agit de nous en réclamer à corps et à cris. 


Nous dinions tous l’autre soir au bar de la cuisine, et je venais de faire une remarque, pour la cinquième ou sixième fois à mon fils Trystan : 


– “TRYSTAN ! Whouhou ! Je te parle !”


– “Ouiii m’man..”


 – “Et qu’est ce que je viens de dire, alors ?!”


– “… J’sais pas.”


– “MAIS TRYSTAN !!!! C’EST PAS POSSIBLE !!! JE SUIS LA FEMME INVISIBLE DANS CETTE MAISON ? PERSONNE ME VOIT !? ET PERSONNE M’ENTEND, NON PLUS !? 


Oui je sais, je crie beaucoup ces derniers jours. 

Je pense que j’ai (déjà) besoin de vacances. 

Bref, c’est pas l’propos. 


C’est alors que son frère Tancrède est intervenu, le plus sérieusement du monde: 


– “Non maman, t’inquiète pas. On sait que ce que tu dis a de la valeur.”


Ayant lâché ma fourchette de stupéfaction, j’ai ensuite regardé son père d’un oeil torve, cherchant de quelle manière discrète il avait réussi à lui souffler cette phrase. 

Mais le pauvre ayant l’air visiblement aussi surpris que moi, j’ai redirigé mon étonnement vers mon fils :

– “Euh… Et ça veut dire quoi, avoir de la valeur, Tancrède ?”


Tout en mastiquant son poulet, il m’a alors répondu le plus sereinement du monde : 


– “Ça veut dire que c’que tu dis, c’est important.”


Je n’ai aucune idée de savoir comment la notion est entrée dans son petit crâne. 

Et franchement, je m’en tape. 

#OhMonDieu

#LesMiraclesExistentIls?

Prends soin de tes affaires !

Etre parent, c’est assez usant. 

Non, vraiment. 


C’est pas pour rien que les rides apparaissent précisément au moment où l’on met nos moutards au monde. 

Dans la liste de ces moments récurrents, agaçants, lassants, excédants… 
Toutes ces petites phrases qu’il nous faut répéter quotidiennement, plusieurs fois par jour, en ayant le sentiment – et même la certitude, les années passant – que l’entreprise est vouée à l’échec.

Rapprocher son assiette de soi pour éviter d’en mettre partout…
Ne pas se brosser les dents dans le salon, mais au dessus du lavabo…
Dire bonjour/au revoir aux gens que l’on croise…

Prendre soin et respecter ses affaires, aussi. 
Leur matériel de classe, leurs jouets, leurs habits… Tout ces trucs que l’on passe notre existence, en tant que parents, à racheter pour la trentième fois (par saison) afin de remplacer les versions précédentes, régulièrement oubliées, volatilisées dans la nature, échangées avec les copains, perdues, brisées. 

Je l’avoue humblement, je n’ai pas réussi à garder mon calme l’autre jour lorsque Tancrède m’a présenté l’un de ses livres, dont une page avait été déchirée, visiblement à la suite d’un échange musclé avec son frère. 

J’hurlais, au volant, assez incohérente dans mon propos d’ailleurs, hésitant entre lui renvoyer le bouquin à la tête ou 8 semaines (supplémentaires) de punition-de-télé :

– “LES GARÇONS C’EST INSUPPORTABLE ! JE N’EN PEUX PLUS !!!”

– “Crie pas, maman…”

– “MAIS EVIDEMMENT QUE SI JE CRIE !!!! VOUS NE RESPECTEZ RIEN !!! JE PASSE MON TEMPS À VOUS EXPLIQUER ET VOUS MONTRER L’EXEMPLE, MAIS ÇA NE SERT À RIEN. VOUS ME DÉSESPÉREZ…”

– “Mais maman… C’est pas grave… t’as k’à en racheter-un, de livre…”
A cet instant précis, la colère qui s’empare de moi dépasse l’entendement. 
Je me dis qu’il est heureux que mes mains soient occupées sur le volant. 
Hystérique, je trouve la force d’articuler : 

– “MAIS EVIDEMMENT QUE NON BOUGRE D’AVORTON !!!! C’EST À TOI DE PRENDRE SOIN DE TES AFFAIRES, PAS A MOI DE SUER SANG ET EAU POUR EN PAYER DE NOUVELLES, ALORS QUE TU PERSISTES DANS TON ATTITUDE TOTALEMENT FRIVOLE ET JE M’EN-FOUTISTE !!!!

Oui je sais, quand je m’énerve je deviens vulgaire.

Mais quand je suis hors de moi – et pour une raison qui m’échappe – je monte de niveau linguistique.

Me voyant dans un état second, mon fils assis sur le siège passager, a sagement décidé d’opter pour une réponse silencieuse, subitement très intéressé par les baskets qu’il portait aux pieds. 

Quelques minutes après l’incident, ayant visiblement constaté que j’avais retrouvé un rythme respiratoire normal, le môme a relevé le visage vers moi, me disant alors avec beaucoup de douceur : 

– “J’ai une idée maman…Pour pas ke ça t’coûte encore des sous…”

– “?! QUOI !?…”

– “On va… On va d’mander au Père Noël de l’racheter, d’accord ?”

#OuiBon…
#CommentLuiDire

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Jumeaux et paranormalité

7 ans

maintenant. 


Sept longues années que, souvent, lorsque je rencontre des gens à qui j’ai le malheur de dire que la nature m’a fait don d’une paire de jumeaux, ils se sentent obligés de m’interroger sur les anecdotes paranormales que nous avons eu la chance de vivre avec eux.

A chaque fois, j’ai envie de leur répondre que la paranormalité gémellaire, elle est intrinsèque : deux gosses qui débarquent en même temps, c’est ça qui est paranormal…

Non, les gamins ne sont pas télépathes. 

Non, quand l’un s’ouvre l’arcade sourcilière, l’autre n’a pas “senti le truc au même moment”.

Non, quand l’un se casse le doigt, l’autre n’a pas mal au même endroit. 
En général il pleure toutes les larmes de son corps, oui, car il s’inquiète pour lui. Ou il tombe malade. Mais ça, c’est juste psychosomatique, histoire qu’on n’oublie pas de le regarder.  

Non, ils ne vivent pas en symbiose, toujours heureux, toujours aimants, tout ça parce qu’ils ont partagé le même deux-pièces-cuisine durant neuf mois dans l’utérus… Ils se mettent sur le nez, comme dans n’importe qu’elle fratrie classique. Et même probablement plus, car vivre sans cesse en face de son reflet peut s’avérer particulièrement pénible. 

Mais l’autre jour, disons-le, je suis restée un peu perplexe : 

07h20, les Jujutrépides étaient attablés au bar de la cuisine pour prendre leurs petits-déjeuners. A moitié endormis, le nez penchant chacun dangereusement au dessus de leur assiette respective, la mèche rebelle, leurs mains tentant de porter la tartine à hauteur de bouche… 

J’étais debout derrière Tancrède, en train de démêler le plus délicatement possible son abondante chevelure, couverte des noeuds de la nuit. 
Silencieux, mon Juju chéri mordait machinalement dans un quartier de pomme, lorsque j’ai senti la brosse déraper et lui arracher une mini touffe de cheveux. 

C’est alors que Trystan, concentré sur son morceau de banane, s’est écrié : 

– “AÏE !!!!!!

Je l’avoue avec humilité, ce matin-là, j’ai beugué. 

#Hein?!
#PasCompris


Question d’éducation

Nous dinions au restaurant 

samedi dernier. 


Exceptionnellement, nous avions convié nos Jujutrépides: pour leur septième anniversaire, nous avions envie de les faire se sentir “grands”, les laissant pour une fois se coucher à point d’heure (21h). 

C’est alors que le serveur – congolais francophone, comme la moitié du personnel de restauration au Cap – est venu nous apporter les boissons commandées. 
Il venait de poser les verres des enfants lorsque Tancrède, qui était pourtant assis silencieusement sur son siège, l’a interpelé, le regardant droit dans les yeux, le plus sérieusement du monde : 

– “Monsieur ?”

– “Oui mon garçon ?”

– “Tu veux pas dire à ton boss d’arrêter de donner des pailles dans les verres des gens ?”

Ce genre de moments difficiles n’est pas inédit chez nous. 

Leur père et moi sommes relativement habitués à ce type de saillies verbales très agréables, qui ont l’art de mettre tout le monde très à l’aise. 
Malgré tout, la surprise et la gêne n’ont toujours pas disparu de notre répertoire de réactions. 

Avant que nous ayions pu réagir, le pauvre serveur, penché au dessus de Tancrède, s’efforçait de comprendre l’origine de l’agression : 

– “Euuuh… Excuse-moi ?! Pourquoi tu me dis ça ?”

Retour à l’envoyeur : 

– “La paille, m’sieur. Quand tu ranges la table et que tu la jettes à la poubelle, après, elle finit dans la mer. Et après, ça va dans l’nez des tortues. Et ça les TUE. C’est pas bien, tu comprends ?”

Ce moment paradoxal.

Où tu es très fière de ton fils.

Et, en même temps, tu ne sais plus où te mettre, de honte. 

Question du jour : 
Bien éduquer ses enfants, c’est sauver les otaries, ou être poli ? 

(Oui, je sais, les deux ce serait parfait. Mais vous savez bien que souvent, la vie parentale est faite de choix douloureux.)

#Zavez3Heures

Les oreilles de cafard

– “Les enfaaaaants ! 

A table !”


Ne voyant pas mes Jujutrépides venir, et les entendant discuter entre eux depuis le salon de télévision, j’ai glissé un oeil entre deux portes pour écouter leurs échanges. 

Comme souvent, je n’ai pas été déçue du voyage : 

– “T’as faim toi Tancrèd’ ?”

– “OUI, j’meurs de faim !”

– “Ah. Moi non.”

– “Allez viens Trystan, maman elle nous z’appelle !”

– “Naaaan, mais on n’y va pas Tancrèd’.”

– “Ah bon ? Mais pourquoi ?!”

– “Passque si t’y vas, elle va nous obliger à manger des zoreilles de cafard.”

Nota bébé
Recette familiale ancestrale, s’il en est. 
Non. Moi non plus. Je ne sais pas. 
Le cerveau des enfants n’est pas encore bien fini, il leur manque des neurones jusque tard dans l’adolescence, j’en suis convaincue. Il parait que c’est l’inverse et qu’on commence à en perde à partir de 18 ans. Moi je soutiens que les gosses, il leur manque des cases. Je me raccroche désespérément à cette idée, pensant que, sinon, tout ce que nous subissons en tant que parents n’a aucun sens. 

Bref… Suite de cette conversation lunaire, que seuls les enfants peuvent avoir : 

– “… Des ZOREILLES DE CAFARD, Trystan !?!? T’es sûr !?!?”

– “OUI Tancrèd’. J’l’ai vue nous préparer ça dans la casserole tout à l’heure.”

A ce moment précis, repensant aux souris d’agneau que j’avais mises à mijoter avec amour pour eux deux heures plus tôt, j’ai bien cru avaler ma cocotte en fonte de travers. 

J’ai comme à mon habitude fait un noeud autour de ma langue et attendu la suite de l’épisode jujutrépidesque :


– “Oh mon dieu Trystan, mais on peut pas manger ça, ce s’rait horrib’ !!!”


– “Bin oui, c’est dégoutant.”


J’entends alors mon fils Tancrède débarquer dans la cuisine, des larmes gonflant ses petits yeux implorants, s’approcher vers moi et me dire tout doucement : 


-” J’t’en SUPPLIE, maman. M’fais pas manger des zoreilles de cafards…”


Vérifier les faits et les sources d’information, ça commence dès le plus jeune âge : 

Les cafards, ça n’a pas d’oreilles.

#FakeNews

#JujuBoniMenteur






Je t’aime ! Je sais.

Nous étions en tête à tête 

en train de déjeuner dimanche 

avec mon fils Trystan.


Assis au bar de la cuisine. 

Il dévorait ses brochettes de poulet aux cacahuètes lorsqu’il me dit : 

– “Hum. Tro’ bon, m’an, tes brochettes. Merci pour le repas.”

Entre nous, j’ai faillit tomber de ma chaise. 

Pas de couinement quant à la recette ET des remerciements.

C’est un coup à faire tomber la neige sur le Cap, ai-je alors pensé. 

Mais touchée par son attitude et sa gratitude – sept ans de bataille pour son éducation qui finissent semble-t-il par payer – j’ai laissé de côté mon ironie habituelle et n’ai trouvé à lui répondre qu’un petit mot dégoulinant d’affection maternelle :

– “… Je t’aime Trystan.”

Ce à quoi il a répondu le plus placidement du monde, levant vers moi ses yeux calmes 

– “… Je sais, maman.”

J’ai d’abord souri intérieurement, en pensant machinalement à la fameuse et fabuleuse réplique d’Harrison Ford à Carrie Fisher dans l’épisode V du cultissime film Star Wars*.
* “I love you.” “I know”. Pour ceux qui auraient réussi à rater cette scène mythique de cinéma.

Puis, comme souvent, j’ai été prise d’un doute épouvantable :

Il le sait… Car je le lui dis tout le temps. Il a confiance en mon amour pour lui. 
On démarre mieux dans la vie lorsque l’on est profondément et sincèrement convaincu que nos parents nous aiment… 
L’information est passée et ancrée dans son petit cerveau reptilien, pour toujours. 
C’est donc une excellente nouvelle. 
Ou bien…

Il le sait… Car je lui ai déjà beaucoup, beaucoup (beaucoup) (trop) dit. 
Il est blasé, ça ne veut plus rien dire pour lui. 
Je l’étouffe. Il n’en peut plus. Mais comme nous sommes liés affectivement et qu’il est trop petit, il n’ose pas ou ne sait pas me l’avouer. 

J’ai bien réfléchi. 

Et, comme j’étais dans un bon jour, j’ai décidé d’opter pour la première. 

Voilà.

#EtreMère
#JeDouteDoncJeSuis




C’est QUI le chef ?

Les mômes

ont quand même

l’art de retourner leur veste. 

– “Trystan, on ne peut pas continuer comme ça.”

– “FASSSSON, J’TE DETESTE !!!!”

– “Et moi je t’aime mon amour. Mais on ne peut pas nous battre toi et moi tous les soirs pour les devoirs. Ce qui devait prendre dix minutes dure une heure, on s’énerve, on hurle. Et finalement tu dois les faire quand même. Ça ne sert à rien chéri, tu le comprends, ça ? Tu es un grand garçon maintenant, bientôt 7 ans, tu te rends compte de ces choses-là n’est-ce pas ?”

– “T’FAÇON, C’EST MÊME PAS TOI L’CHEF !!!”

– “Ah bon, et c’est qui ?”

– “C’est… C’est… Euh… ET BIN C’EST PAPA !!!!”

J’avoue avoir accusé le coup. 
Mais, naturellement, mon devoir de mère m’obligeant à (tenter) de rester sereine et impassible, j’ai pris sur moi pour laisser de côté la féministe scandalisée qui sommeille – d’un oeil – au fond de moi, et lui répondre : 

– “Ah vraiment ? On en reparlera avec lui tout à l’heure alors, pour voir.”

Curieusement, le môme est redescendu de sa tour infernale et nous avons terminé la corvée quotidienne des révisions dans un calme relatif plutôt étonnant, si l’on considère le tour qu’avait initialement pris l’affaire. 

Le soir venu, nous avions diné et tous deux oublié l’incident, lorsque le papa des Jujus leur a rappelé pour la septième ou huitième fois qu’il était temps pour eux d’aller se brosser les dents.

Nouvelle saillie verbale de Trystan qui était décidément très en forme ce jour là:

– “Noooon !!!! J’IRAI PAAAAAAS !!!!”

Hurlements en retour de son père. 

J’observais, fatiguée, la scène qui se jouait sous mes yeux quand mon fiston, hérissé, s’est mis à crier à tue-tête dans la cuisine : 

– “T’FAÇON, C’EST MÊME PAS TOI L’CHEF !!!”

Voyant le visage médusé de son père, j’attendais sa réaction avec une certaine curiosité. Sans surprise, celui-ci s’est écrié : 

– “Ah bon, et c’est QUI ?!?!”

Retour à l’envoyeur : 

– “ET BIN C’EST MAMAN !!!” 

A cet instant je me sens à la fois indignée de la manière dont il a répondu à son père. 
Rassurée par le fait que sa réflexion initiale de l’après-midi n’avait rien à voir avec un quelconque jugement de valeur sexiste à mon encontre. 
Amusée par la capacité fabuleuse qu’ont décidément les enfants à jouer invariablement sur les deux tableaux. 

#TropFortsCesMorveux
#AlorsCestQuiLeChef


Prends moi pour un jambon

Quoi qu’on fasse, 

j’ai quand même l’impression

qu’on perd à tous les coups. 


Nous, les parents. 

Pensant bien faire, afin de palier l’insupportable problème de la chambre-des-gosses-en-bordel – pardon, bazar – permanent, et les ruses quotidiennes, les hurlements réitérés, continuels et chroniques pour parvenir à leur faire ranger leur espace personnel, j’ai décidé de condamner une pièce à l’étage de la maison, désormais renommée officiellement “salle de jeu des ‘zenfants”.

Nous y avons donc déménagé la totalité de leurs peluches, jeux, billes, livres, monceaux de Lego et autres jouets, installé un bon divan bien moelleux pour lire, une table en plastique et des petites chaises pour dessiner là, et les bousiller à l’encre indélébile en lieu et place de mon canapé de cuir blanc… 

Idée de génie, avais-je pensé. 

En vrai, comme souvent, le résultat est assez différent de ce que j’avais imaginé :
Ils disposent en réalité maintenant d’un espace encore plus grand dans lequel coller un max de foutoir, avec l’excuse implacable qu’il s’agit de leur espace de jeu, conçu exprès pour ça, isolé du reste de la maison, évitant ainsi de déranger qui que ce soit et nécessitant donc un rangement encore plus rare et moins approfondi. 

Bref.

Si je résume la situation : avouons-le, je me suis faite avoir dans les grandes largeurs, comme une bleue, et me suis enfermée toute seule dans une situation probablement encore plus inextricable que la première. 

Depuis, je m’efforce donc de ne plus me rendre sur les lieux, méthode qui a le mérite de fonctionner assez bien jusqu’à ce que mes yeux tombent par hasard sur un vieux trognon de pomme abandonné sur la moquette ou une peau de banane en décomposition sur leur sofa…

Dans ces cas-là, je perds en général patience et finis irrémédiablement par mettre de l’ordre dans l’innommable boxon moi-même…

L’autre jour, dans un élan de folie éducative, j’avais décidé de tenir bon et – coûte que coûte – leur faire ranger le capharnaüm. 

Nous en étions à plusieurs heures de négociations et de hurlements hystériques lorsque Tancrède me dit : 

– “Bon, maman, calme toi.”

– “PARDON !?” 

– “Crie pas comme ça, ça sert à rien…”

– “JE CRIE AUTANT QU’IL LE FAUDRA POUR QUE CETTE PIECE SOIT RANGEE CE SOIR, TU M’ENTENDS !?”

– “J’ai une solution à te proposer maman ! Une solution qui va t’rendre contente et nous aussi !”

Surprise de son revirement, je suis restée silencieuse, avant de l’entendre, une bonne vingtaine de minutes plus tard, hurler depuis l’étage : 

– “Voilààààà maman, c’est faiiiiit !
En arrivant devant la pièce, dont la porte était fermée, j’ai trouvé cet encart affiché à hauteur de Jujus.

#NoComment
#LaSolutionVueParUnJujuDe6ans



Le quiproquo

Je l’avoue, 

sur ce coup là, 

J’ai eu un doute. 


J’attendais patiemment que mes Jujutrépides terminent de déguster leurs glaces, assis sur un banc du front de mer l’autre jour, lorsque je remarquais que leur attention s’était dirigée vers une dame en surpoids qui marchait le long de la plage… 

C’est alors que Tancrède s’est écrié (en français, heureusement…) :

– “MAMAN !? Moi, quand j’s’rai grand, je vais JAMAIS m’marier avec une femme GROSSE.”

Stupéfaite par son intervention, je suis restée silencieuse quelques secondes, ne sachant que lui répondre, un savant mélange entre un discours angélisto-moralisateur, la réalité de l’hygiène de vie alimentaire et l’importance de la notion d’empathie, brouillant ma capacité à lui répondre. 

Je ne réussis qu’à bredouiller : 

– “Mais… Mais… Pourquoi tu dis ça, Tancrède ?!”

– “Pass”que ça veut dire k’elle mange BEAUCOUP trop d’sucre !”

Me répond-il alors, l’énorme cône de glace au beurre de cacahuète ostensiblement porté à sa bouche. 

Un certain agacement m’est alors imperceptiblement monté aux joues. 

– “Mais enfin Tancrède ! C’est tellement important qu’elle soit mince, ton amoureuse ?!”

– “Bin oui. Ou comme toi, maman, sinon.”

BAAM. 
Mange-toi ça, en passant.
C’est gratuit. 

Piquée au vif, j’essaye de garder mon calme :

– “Franchement Tancrède, qui t’a mis ça dans la tête !?”

– “Personne maman. Mais c’est just’ logik’ !!!”

De plus en plus sous le choc, me disant que la cruauté infantile n’a décidément aucune limite et que les canons de beauté tiennent visiblement irrémédiablement de l’inné plus que de l’acquis, je regarde mon fils l’air hagard.
C’est alors qu’il me sourit en me disant : 

– “Bah oui maman. Si elle est tellement trop grosse c’est qu’elle mange pas des bonnes choses et qu’elle prend pas bien soin d’son corps. Et donc, ça veut dire qu’elle va mourir jeune…”

– “?!?!?!?”

– “…Et donc, ça veut dire que si j’l’épouse, elle va m’laisser TOUT SEUL sans elle et que j’devrais rester sans amoureuse, tout malheureux, pendant très longtemps après k’elle est morte. C’est trop trist’.”

– “?!?!?!?”

– “Donc, j’préfère pas m’marier avec elle, voilà.”

-“…”

#AhDaccord
#Ouf
#LespaceDunInstantJ’aiPerduLaFoi
#LaPuretéDesEnfants